De Scribouillasse à Screenbouillasse

Tout avait commencé par un bête message facebook de Michel, quelque part en octobre 2018. Je venais de rentrer du festival Interpol’art, le brouillon de « Laeken Rose » bien rangé dans mes tiroirs et la tête déjà pleine d’idées pour un nouveau bouquin.

« On cherche quelqu’un pour monter sur l’écriture d’une série TV en complément de l’équipe en place. J’ai pensé à toi. C’est quoi ton GSM ? »

Qui…que…QUOI ?! Une série télé ? sérieux ?! Par bonheur, derrière un écran, personne ne peut te voir te transformer en midinette surexcitée qui fait des petits sauts de cabri entrecoupés de couinements ravis*, tu peux donc tout à fait conserver un semblant de dignité en te fendant d’une réponse laconique (ledit numéro de téléphone).

*maintenant, si mes co-auteurs me lisent, mon secret est définitivement éventé et ils vont me charrier à mort…

Fast-forward 6 mois plus tard. Après avoir caressé l’idée pendant quelques jours (ouh la menteuse, ça a duré au moins quelques semaines), j’avais fini par me faire une raison et oublier toute l’histoire pour me concentrer sur « NVK » dont mon agente attendait la première partie fin juin. Le planning était prêt, les crayons bien aiguisés, j’avais repassé les éléments importants de l’intrigue dans ma tête et…

« Hello, mon prod va t’appeler pour te faire rejoindre notre team de scénar. Biz »

AARGH ! ça se précise !

Et de fait, quelques jours plus tard, je reçois la « bible » de la future série, à savoir tous les éléments fondamentaux sur lesquels la narration va venir s’appuyer : le pitch, la thématique, les personnages, le synopsis de l’intrigue, tout ça. A vrai dire, en lisant le document d’une bonne centaine de pages, je voyais mal ce que j’allais pouvoir apporter à un tel projet. Tous les persos étaient décrits, les épisodes déjà bien résumés, il y avait même tout le script du premier épisode. J’en étais baba. Puis, à force de rentrer dans l’histoire, certains éléments m’ont fait tiquer, j’avais une foule de questions, toutes plus ou moins construites sur le même schéma : pourquoi ? pourquoi il fait ça ? pourquoi elle en est arrivée là ? pourquoi cet événement à ce moment là ? pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Et c’est là que l’invitation tombe.

« Hello. Par hasard tu n’es pas dispo pour boire un café avec nous ? »

C’est comme ça que par un bel après-midi d’avril je me suis retrouvée à traverser Bruxelles à vélo pour une rencontre au sommet avec les créateurs de la série : le producteur et les deux scénaristes. Tout de suite, la couleur est annoncée : la série n’est pas un bête concept flou, mais un projet bien réel, financé et soutenu par la chaîne publique. On veut renforcer l’équipe et on a pensé à moi parce que j’ai, sur le papier du moins, un set de compétences et spécificités qui pourraient potentiellement cadrer avec ce qu’on veut réaliser. Si ça me tente, on peut tester un mois et voir comment ça se passe, mais c’est sans engagement de leur part. De mon côté, je ne réfléchis pas trop. J’ai lu la « bible », j’aime bien le projet, le script du pilote m’a éclatée, le courant passait déjà bien avec Michel, l’autre scénariste, David, a l’air sympa, allez, tope-là et on voit où ça nous mène.

Deux semaines, quinze litres de café, deux allusions à mon dieu Ellroy et trois réunions plus tard, mes compères de travail m’annonçaient qu’ils avaient décidé de m’adopter. Woo hoo ! Depuis, on a pas mal bossé sur l’histoire, plein de trucs ont évolué, on a consommé au moins un camion-citerne de café, mangé trois tonnes de « soucoupes volantes » (hosties fourrées à la poudre acidulée, pour les Français qui ne connaîtraient pas cette friandise culte), fait gagner trois points à la bourse au cours du chocolat et des chips, repoussé parfois les limites du loufoque, essuyé un fou-rire (grand minimum) par réunion et même signé un contrat, dis donc. Moi, je découvre un monde encore tout à fait différent de l’univers littéraire, avec de nouveaux codes, un nouveau jargon, des contraintes insoupçonnées pour le commun des mortels (j’en ai acquis un respect supplémentaire pour tous ces métiers de l’ombre qui agissent en coulisses et s’assurent de la perfection à la fois narrative et budgétaire de chaque détail d’une scène) et, surtout, je découvre le plaisir de la création en équipe. Et quelle équipe ! Scénarisation, réalisation, courts-métrages, comédie, émissions télé, jeux de rôles, Michel et David ont tout vu, tout fait. Et pour contrebalancer les deux vieux de la vieille, fallait une novice…tadaaaam !

Mais pourquoi je n’en ai pas parlé plus tôt ? D’abord, parce que je devais faire un peu mes preuves. J’allais pas annoncer de but en blanc être devenue scénariste pour revenir penaude corriger la nouvelle trois semaines après :p. Je voulais la mériter, cette série. J’ai pris un train en marche, à pleine vitesse, il m’a fallu du temps pour trouver ma place entre mes deux compères co-auteurs, nos producteurs, nos contacts à la RTBF…et trouver en quoi je pouvais être utile 🙂

OK, mais pourquoi j’en parle maintenant, alors ? Parce qu’aujourd’hui, on a remis les arches narratives à la RTBF (en gros, toutes les intrigues, développements de personnages, etc.) et qu’on attend le feu vert pour la suite. On n’en est encore qu’au squelette de notre « bébé télévisuel » même si, entre nous, on sait déjà bien où on va, et il y a encore beaucoup de boulot avant de pouvoir enfin savourer le résultat final, mais à lire noir sur blanc notre histoire, je suis super fière de ce que David, Michel et moi avons accompli (et de la confiance que nos producteurs nous ont accordée).

Enfin, cette putain d’aventure qui m’arrive me fait entrevoir un avenir encore différent de ce à quoi j’avais pensé. Mon cœur est et restera toujours dans les livres, dans cet univers qui est le mien depuis si longtemps (je suis d’ailleurs en plein dans la rédaction de mon « NVK »), mais la scénarisation, le travail en équipe qui l’accompagne…Rendez-vous compte, j’ai des collègues ! C’est idiot, mais s’il y a une chose qui m’effraie dans l’écriture, c’est l’aridité du travail en solitaire. Pendant des mois, des années parfois, on est seul avec son histoire, ses personnages, on ne peut pas trop en parler, de peur de bousiller l’intrigue. Un exercice souvent usant et source de frustrations. Ici, on est trois à faire fuser les idées, à les confronter, se les renvoyer comme si on jouait au ballon, on se raconte chacun sa version de l’histoire (dont la finale sera un si savant mélange de tous ces brouillons qu’il nous sera parfois difficile de savoir quel détail vient de qui).  C’est comme un énorme jeu de rôles, mais qui finira à la télé 🙂

Et tout ça, encore une fois, grâce à Ring Est. Comme quoi, le battement d’ailes du papillon… 🙂

Bon, alors, de quoi ça parle, cette série ? Cet été, dans Cinevox, voilà le pitch qu’on lui donnait :

« Il est mort, il rêvait d’argent facile, il se nommait Marini, et aujourd’hui termine démembré sur une table d’autopsie. Elle est jeune, elle cherche la reconnaissance de ses pairs, elle se prénomme Carole, elle est flic et hérite de sa première enquête pour homicide. Ils sont vieux, ils rêvaient d’aventures, le Congo a été leur terrain de jeu dans les années 60, mais aujourd’hui ils ne veulent pas finir comme Marini. Tous doivent replonger dans les blessures passées, se confronter à leur héritage et agir aux limites de la loi et de la morale. »

Et elle sortira quand ? d’abord le feu vert pour la suite, les enfants, d’abord le feu vert pour la suite…croisez les doigts pour nous !

15 commentaires sur “De Scribouillasse à Screenbouillasse

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