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La minute philosophique de la Scribouille

« Hey, alors, à quand la sortie du deuxième ? »

Cette phrase, je l’ai entendue (ou lue) un nombre incalculable de fois…et de plus en plus au fur et à mesure que le temps passe. Une question magnifique, bien sûr, parce qu’elle reflète une certaine impatience (ou serait-ce plutôt une impatience certaine ? 😉 ), mais une question qui me terrorise. Et s’il n’y avait pas de suivant ?

Ben oui, au bout d’un an d’euphorie, il fallait bien qu’elle repointe le bout de son nez. Qui ça ? ben, cette bonne vieille Résistance, pardi ! Qui d’autre, voyons ?

Ah bon ? pourquoi ? je pensais que t’avais déjà un autre bouquin en cours…mais si, tu en avais causé, là…un truc à Bruxelles, avec un chat…

Oui oui, Laeken Rose. Je l’ai écrit, mais il est bancal et je n’arrive pas à lui donner la profondeur qu’il mériterait d’avoir, le relief que j’avais en tête quand je l’ai commencé.  En l’état, il part dans tous les sens sans vraiment s’attarder sur ce qui compte. En plus, il se répète et se fourvoie dans des voies sans issues. Peut-être était-il juste là pour me divertir après la noirceur de Ring Est…peut-être que j’avais besoin de me prouver que je pouvais en écrire un autre, comme ça, juste après le premier, pour me convaincre que j’avais encore des histoires en magasin, que je n’étais pas coincée dans un seul univers. Mais peut-être aussi que Ring Est restera unique, le seul que j’arriverai à finir. Puis il y a le temps qui passe, l’obligation de concrétiser. Un an est déjà passé, il ne faut pas que je tarde trop. Or, en même temps, il y a toutes les autres obligations : le boulot, la maison, le jardin, les comptes, la bouffe, les courses, les chats, le mâle, les filles…et je n’ai que mes soirées et quelques heures le weekend (et encore, quand il ne pleut pas et que le ciel n’est pas au ras du seuil) pour tout faire tenir. 

Bref, la loose. Et les conditions parfaites pour un retour en force de l’insidieuse. « Repose-toi un peu, ça ira mieux plus tard », « Attends quelques mois, laisse mûrir, tu verras, ça reviendra », « le rosier a besoin d’être taillé, laisse tomber le clavier », « Il a fallu 15 ans pour sortir Ring Est de ta tête, tu croyais que le reste allait aller plus vite ? », « Donne-toi le temps »…et on retarde, on gagne du temps, on procrastine. Et l’horloge continue de tourner. Tic. Tac. Tic. Tac. Un cliquetis qui pourrait me rappeler celui du clavier, si seulement j’arrivais à m’y remettre, mais Laeken Rose me résiste. Zoé, Gertrude, les autres, non, ça ne fonctionne pas. Ce qui conforte la Résistance dans son opération anti-productive. Elle en rajoute une couche.

Elle a gagné la première bataille : Laeken Rose ne verra pas le jour en 2019. En 2020 non plus, pour ce que j’en sais.

Mais le sang qui coule dans mes veines est issu du mélange chaotique de l’obstination wallonne et du zèle flamand. De plus, échauffé aux conseils paternels : La vie est une succession de portes fermées et peu importent l’état des charnières, le poids de la menuiserie, la rouille qui bloque le loquet, l’avenir est derrière et il faut les ouvrir ; ne cherche jamais la bagarre, mais gagne toujours la guerre; ce genre de choses. J’ai donc refourbi mes armes, quitté les rues de Bruxelles pour retrouver les vallées et collines de ma Wallonie natale, et lancé la contre-offensive.

Elle a pour nom de code NVK et prendra quelques mois, peut-être plus, j’en suis à peine au chapitre trois. Pas grave, j’ai deux héros tout ce qu’il y a de plus…non-conventionnel qui m’accompagnent dans l’aventure. Pas des foudres de guerre, non, mais des champions d’endurance, du genre à pas trembler devant une petite crise de Résistance. Ils en ont vu d’autres. Je repense à Aubry…j’aurais pu choisir n’importe quelle autre histoire abandonnée dans mes tiroirs, mais c’est la sienne qui m’est venue à l’esprit quand je me suis assise devant mon clavier et la raison m’apparaît maintenant si évidente : j’avais besoin d’un héros impitoyable, prêt à tout pour m’aider à tenir les délais super courts du Prix Fintro. Il ne m’a pas laissée tomber. Sept semaines durant, sa pugnacité m’a tenue dans les rails, toujours dans un coin de mon esprit, aux abois. Sept semaines durant, ses yeux d’acier liquide ont veillé sur moi, sur notre histoire.

Alors aujourd’hui, je pense à mes deux petits héros de l’ombre, derrière NVK, à leur bienveillance, leur sagesse, leur folie, et je me demande : et si on n’écrivait pas les histoires qui nous plaisent, mais celles dont on a besoin ?

 

 

 

 

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