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Année(s) Scribouillique(s)

2018 vient de tourner le coin de la rue et, avec elle, s’achève la première année de cette incroyable aventure. L’heure est donc au bilan, mais aussi aux engagements futurs.

Petit retour sur 2018. J’ai enfin reçu les chiffres de vente de Ring Est. Un grand moment, pour moi, car c’est celui de la confrontation claire avec la réalité. Alors, où en sommes-nous avec mon petit polar belgo-belge ? D’ores et déjà, je peux vous dire que, non, nous n’avons pas épuisé la première édition, mais il s’en est fallu de peu : un peu moins de 1300 exemplaires papier vendus. Un objectif pour 2019 se profile déjà, donc, car j’espère bien épuiser le reste du stock et, je l’espère, inspirer une ré-édition.

Cependant, on a dépassé la barre des 200 exemplaires en digital, ce qui porte Ring Est à près de 1500 exemplaires au total ! Un résultat plus qu’honorable pour un bouquin dont la promotion (radio, journaux) et la diffusion active (promotion par le diffuseur chez les libraires) se limite à la Belgique francophone (Bruxelles – 1,2 millions d’habitants, et la Wallonie – 3,6 millions d’habitants). Oui, mais, est-ce que ça en fait un succès ou pas ? parce qu’on est très très loin des chiffres affriolants qu’on voit dans les journaux, hein !

Un petite recherche sur Internet nous apprend qu’on parle de « best-seller » en France quand on dépasse la première édition (la plupart du temps entre 5000 et 10.000 exemplaires), mais d’après les informations que j’avais reçues lors de la journée Fintro, un livre serait considéré succès d’édition en Belgique dès lors qu’il a dépassé les 600 ventes. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’aller vérifier ces chiffres avec mes compères auteurs belgo-belges francophones, mais une petite discussion avec Jan Van Der Cruysse (auteur flamand, père de la trilogie « Bling-Bling » et dont le quatrième titre sortira bientôt chez Angèle) m’avait déjà laissé entendre que la barre se situait bien dans ces eaux-là pour un premier roman au Nord du pays. Quand on sait que nos amis flamands ont une notion du succès très différente de celle des francophones (pour info, Toni Coppers, une des stars incontestées du polar en Flandre, accumule les dizaines de milliers de copies à chaque sortie), ça donne déjà une très bonne idée du bilan 2018 de Ring Est. D’autant plus que les ventes ne reflètent pas les lectures, car Ring Est est apparemment aussi un succès en bibliothèque et ça, ça fait encore plus rosir mes petites joues de plaisir !

Une année très positive pour le livre, mais qu’en est-il de mon bilan personnel ? la réalité du terrain est-elle à la hauteur de mes rêves de gamine ? Est-ce vraiment un monde motivé par l’amour de la culture, des histoires, de l’échange ? Ou me suis-je frottée à un secteur si impitoyable que JR de Dallas s’encourrait ventre à terre en pleurant sa mère devant la cupidité et l’égoïsme des acteurs en piste et que même le vilain Joker de Batman en perdrait toute envie de rire (jaune ou pas) ? Bref, qu’en ai-je appris, sur moi et sur ce milieu ?

D’abord, que Fintro et la Foire du Livre ne s’y sont pas trompé quand ils ont demandé à Ker Editions de participer à l’aventure du Prix Fintro. J’avais déjà de très bonnes impressions de notre collaboration, lesquelles ont été confirmée par pas mal d’auteurs ayant travaillé avec lui, de ceux qui ont de la bouteille et en ont vu d’autres. On est tous unanimes et j’en profite pour souhaiter longue vie à Ker Editions et une année 2019 encore plus brillante que 2018 🙂

Ensuite, que c’est un monde égotiste et énergivore dans lequel on peut vite se perdre, parfois malgré soi. Au début, pleine d’entrain, j’étais de toutes les dédicaces, de tous les rendez-vous, je voulais soutenir mon petit polar jusqu’au bout, y mettre l’énergie nécessaire et il y a eu des réussites, c’est certain, mais de sacrés flops, aussi ! Entre les salles combles, la promo nationale, le support des médias, le(s) prix et les critiques élogieuses, j’ai essuyé quelques séances de dédicace sans un chat, une soirée littéraire avec deux personnes présentes, des présentations du livre par des gens qui ne l’avaient clairement pas lu, ou qui l’ont spoilé avant de faire « oups, enfin, je n’ai rien dit » (authentique 😀 ), des tables rondes en actes manqués (celle-là reste mon anecdote favorite 🙂 ), voire même une critique incendiaire…parce que le livre était écrit « en belge » (en même temps, l’action se déroulant à Bruxelles, ça sentait déjà un peu le soufre, non ? ;p). J’avais beau m’y être préparée, si j’ai affronté l’essentiel du grain avec philosophie, certains couacs m’ont touchée plus que de raison : ces gagnants de livres offerts en jeu-concours contre critique (bonne ou mauvaise) et qui ont disparu dans la nature (avec le livre) ; le gérant de cette « grande librairie » qui m’a jaugée comme du bétail quand on m’a présentée à lui à la Foire du Livre (et moi qui faisait la potiche muette et souriante, blanche d’humiliation) ; ces personnes qui ont utilisé mon enthousiasme comme tremplin pour leur propre intérêt, quitte à vouloir me noyer pour mieux avancer ; ce journaliste qu’on a « forcé » à me voir et qui ne cachait pas son déplaisir ; ces promesses fermes qui n’ont jamais été tenues… ceux-là ont failli m’avoir.

Mais pas que.

Car enfin, il y a aussi cette course aux critiques, aux commentaires, à la publicité, aux dédicaces, aux salons, à tout, en somme, qui fait qu’on reste sous les projecteurs. Dès qu’on entre dans ce milieu, on se retrouve comme dans une cohue d’auteurs sur les réseaux sociaux, auprès des libraires, des blogueurs littéraires et, en règle générale, dans tout ce qui à trait à la promotion du nom et des titres. Certains, et c’est tout à leur honneur, parcourent toutes les routes de Belgique, de France et de Navarre pour assurer des dédicaces chaque semaine dans les Auchan, les Cultura, les Carrefour et les boutiques Belgique/France Loisirs. Ils postent chaque jour une nouvelle photo/promo sur leur Insta, leur facebook, les groupes, twitters, forums, etc. Ils sont de toutes les conversations, tous les salons. De tous les hashtags. Disponibles partout, présents sur tous les fronts. Très vite, si on n’y prend garde, on se retrouve à se googler soi-même tous les jours, toutes les heures, en quête d’un nouveau commentaire, d’une nouvelle critique, d’une vente supplémentaire, voire d’une photo de sa (scri)bouille sur le Net. Trouble obsessionnel compulsif à usage scribouillique intensif.

J’ai hésité à en parler, puis je me suis rappelée que je ne voulais rien cacher, que ce blog, ce n’était pas un fil Instagram où chaque post passe sous les filtres les plus flatteurs. Surtout que ce que j’ai appris ici est sans doute l’une des plus grandes leçons de cette année. Le monde de l’édition, tout comme celui des médias en général, est peuplé de narcissiques. Certains l’étaient dès le départ (d’ordinaire on les reconnaît bien vite et on les fuit comme la peste 🙂 ), d’autres le sont devenus presque malgré eux. Parce que tout est mis en place pour. A moins de faire partie des étoiles qui brillent au firmament du livre, là-haut, tout là-haut, la grosse promotion du bouquin incombe à l’auteur*. Il faut parler de soi, faire parler de soi, du livre, collecter un max de retours, de fans, ne pas disparaître dans la masse des titres qui n’en finissent plus de sortir. Si on arrête, on est foutu. Si on n’a pas X critiques, on est foutu. Si on n’a pas au moins X blogueurs qui causent du bouquin, on est foutu. De là à se faire attraper et broyer par les mâchoires géantes du Culte de Soi, il n’y a qu’un tout petit, très petit pas.

*et encore, je parle de l’édition classique. Avec l’auto-édition, la pression est encore pire.

La tentation existe pour tous, je ne pense pas qu’aucun y échappe. Certains y succombent et s’en accommodent très bien, d’autres résistent et s’y perdent, d’autres enfin finissent par trouver le chemin qui leur convient. Je ne suis pas là pour faire le procès du milieu, mais pour donner mon ressenti personnel, d’autant plus qu’après en avoir parlé avec d’autres adeptes de la scribouille débutant comme moi, je me suis rendue compte que ça pourrait peut-être en aider d’autres à s’y retrouver. Pour ma part, je l’avoue, à part ce blog et ma page facebook (qui est, en somme, le reflet des articles du blog) sur lesquels je relaie les informations au fil de l’eau, je n’ai pas une énorme présence sur les réseaux. En gros, sans être tout à fait invisible, Isabelle Corlier scribouillasse n’est visible que pour ceux qui la cherchent comme telle. Même mon Insta est privé, et sous pseudo, c’est dire ! Criblé de photos de mes chats, en plus :p. Du coup, les retours et l’activité sur Ring Est paraissent très moribonds comparés à d’autres. Entre ça et les couacs décrits plus haut, même en ayant lu plusieurs fois Stephen King’s « On Writing » (résumé ici), il y avait de quoi finir stressée ultime de la scribouille !

Cependant, cette année, j’ai eu la chance, l’énorme chance, de pouvoir côtoyer de près les écrivains que j’admire, ceux qui sont là depuis longtemps, dont l’oeuvre a nourri mon imaginaire de lectrice et qui, à chaque livre, me démontrent que les vrais ne s’essoufflent jamais : Paul Colize, bien sûr, mais aussi Nadine Monfils, Jean-Bernard Pouy, Patrick Delperdange, Barbara Abel. Ils ne sont jamais en reste d’une anecdote, d’histoires drôles, cocasses ou incroyables qui leur sont arrivées dans leur vie d’écrivain. Des couacs, ils en ont vécus ! Certains les marquent encore, ont failli leur faire jeter l’éponge, d’autres les font désormais rire aux éclats. Sans le savoir, par leur gentillesse, leur candeur à partager leur expérience, leurs conseils, leur bienveillance et leur humilité, ils m’ont appris à mieux gérer mes propres couacs, mes malaises, mes moments de solitude ou d’injustice. De plus, ce sont avant tout des raconteurs d’histoires. Certains vivent de leur plume, d’autres pas, mais une chose est sûre : ils vivent tous pour leur plume. Leur énergie lui est toute dévouée. A peine un livre est-il fini qu’ils mettent le suivant sur l’ouvrage.

Ensuite, comme dit plus haut, le choix de Ker pour cornaquer ce premier livre était parfait. Je ne suis pas sûre qu’un autre éditeur aurait été autant à l’écoute de mes délires de débutante (sur la traduction, sur la promotion, sur les petits doryphores du milieu, tout ça). Avec la touche d’empathie et d’humour qu’il fallait, il m’a aidée à voir plus clair dans ce drôle de parcours semé d’embûches où Ring Est se risquait.

Enfin, il y a Le Mâle. Qui n’accepte rien de moins de moi que le meilleur que je peux donner, me remballe sans pitié chaque excuse bidon, ne souffre aucun syndrome de Calimero et n’hésite jamais à me renvoyer en pleine face mes propres défauts (remarquez, je fais pareil avec lui 🙂 ). Il est ma moitié, la personne qui me connaît le mieux, il sait mes parts d’ombre les plus honteuses, mes faiblesses et mes forces, et il joue souvent le rôle de Jiminy Cricket personnel. Sans lui, certains couacs auraient pris des proportions dantesques, la quête de la promotion m’aurait plus affaiblie. Je ne le lui dis pas souvent, mais il est mon ciment et ma force, mon petit phare dans les tempêtes.

Quand j’y pense, j’écris depuis mes huit ans, à part Ring Est et quelques nouvelles, mes écrits sont restés confinés à ma sphère propre. Pendant des années (15 ans, !), Aubry, Zakaria, Stefi et Armelle n’ont existé que dans ma tête. Aujourd’hui, 318 jours après la sortie du livre, ils ont emmené plus de 2000 personnes dans leurs aventures et ont acquis pour certains une telle réalité que j’ai dû essuyer des critiques virulentes sur le sort réservés à certains et des questions sur l’avenir d’autres. C’est énorme et magnifique ! Mais j’ai désormais d’autres livres à écrire, d’autres univers à faire découvrir.

Alors quoi, 2019 ?

J’ai Laeken Rose à terminer. J’ai vu Valérie, mon agente de choc, en décembre, qui m’a fait ses commentaires et, comme je m’y attendais, le livre a des défauts qu’il faut que je règle. Cela va prendre du temps, il y a du structurel qui cloche. Je le sentais, elle me l’a confirmé. C’est là que je dois regarder. Je ne sais pas encore quand il sortira, je ne me penche pas là-dessus. J’ai un livre à écrire et on ne met pas la charrue avant les bœufs !

Ring Est vit encore, quoique dans un rythme plus lent, tout comme Ring Oost, dont le démarrage n’a pas eu le punch de son acolyte francophone, mais qui, à défaut des librairies, poursuit sa route dans les bibliothèques du Nord (elles aiment, j’en suis ravie !). Soit, mon pari est que je les ferai d’autant plus vivre quand d’autres livres seront sortis, quand leurs lecteurs auront envie de les découvrir, de se pencher sur eux.

Pour le blog, je continuerai de partager l’actualité, mais, pour éviter les couacs de l’année dernière, je ne pourrai pas toujours partager aussi vite que je le souhaite, ou dans le niveau de détail que je le souhaite. C’est le seul point qui me chagrine encore, parce que des projets en cours et de l’actualité, il y en a, mais je dois encore attendre. J’espère que vous ne m’en garderez pas rigueur.

Et pour finir, je vais revenir à mon guide du scribouillard néophyte et à mes partages de lecture, parce qu’en fin de compte, hein, on est là avant tout pour échanger 🙂

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