Un Univers Impitoya-aable !

Une journée en Or – part I

Pour rappel, dans l’un de mes épisodes précédents, je t’avais révélé avec la sobriété qui me caractérise (WAZZZZAaAAAAAA !!!! YiiipiiiiiiIIIIIIIEEEEE !!!! WEEEEEEEEEE !!!!!!! shoop shoop ***danse de la joie/mode ON***) que ta dévouée Scribouillasse était en lice contre quatre redoutables autres finalistes pour décrocher la timbale de la toute première édition du Prix Fintro Ecritures Noires, organisé par la Foire du Livre de Bruxelles et la Banque Fintro .  A cette occasion, nos joyeuses organisatrices ont mis les petits plats dans les grands car nous avons tous été conviés le lundi 28 août à une journée d’information sur le monde de l’édition, ses arcanes, ses écueils et comment s’y retrouver quand on débarque dans le secteur sans rien connaître.

Autant te le dire tout de suite, lecteur chéri et impatient, j’ai sauté sur l’occasion sans me faire prier et je n’en regrette pas une minute ! Car cette journée fut pour la Scribouillasse que je suis une véritable mine d’or ! De quoi alimenter notre petit Guide du Scribouillard Néophyte (pour lequel, d’ailleurs, je te prépare une petite surprise, mais chhtt, je n’en dis pas plus, c’est une surpriiiiiiise je te dis !)

D’abord (et puis après, on n’en parle plus, mais quand même), j’ai pu rencontrer mes camarades de concours. De redoutables larrons, crois-moi ! On n’était pas là depuis une demie-heure que, déjà, on partait en roue libre à raconter n’importe quoi. Ca fusait de tous les côtés, qui s’extasiant sur des chiens avec des chapeaux, qui prônant la mise à l’honneur du hamster russe, qui recommandant l’usage abusif de bonnets chiliens. Tous d’accord sur le fait que le ciel était bleu, ce lundi matin, sur Bruxelles. Non, ne cherche pas à comprendre, c’était un moment hors du plan euclidien terrestre. On était déchaînés, survoltés, complètement allumés. Bref, ça a bien cliqué. La glace étant bel et bien brisée (pilée, en bouillie, de la flotte, cette glace !), nous sommes passés aux choses sérieuses et avons entamé le programme de cette journée bien chargée par une….

Petite présentation du monde de l’édition.

Avis aux doux rêveurs, aux chercheurs de gloire, aux afficionados du make-a-wish et aux conquistadors de l’Eldorado, remballez tout de suite vos mirettes pleines d’espoir et de petits dollars et passez votre chemin, ce n’est pas ici que vous ferez fortune. Paf, patate, douche froide et va voir ailleurs si j’y suis, voilà, c’est dit !

Parce que dans cet univers impitoyable, mon bon ami, les chiffres sont édifiants…et tous contre toi !

Admettons qu’on t’édite, déjà (ce qui en soit est une sérieuse aventure, tu verras plus loin). Et bien sache qu’un premier livre, en Belgique, c’est un tirage d’à peu près 300 exemplaires. En France, un peu plus. On est loin des 200 000 d’Amélie Nothomb (tu sais à quel point je l’aime et si tu ne le sais pas, va de ce pas jouer  au jeu de l’oie de la Mère Scribouille juste pour tomber sur ça !).

Pour un premier roman, on estimera une moyenne de vente de 650 exemplaires sur laquelle tu recevras entre 6 et 8% de droits d’auteurs (non, rêve pas, les 20% comme Françoise Sagan, tu n’y es pas encore. Tu risques d’ailleurs de ne jamais y arriver)…qui te seront payés à peu près 12 à 18 mois après la sortie du bouquin, le temps que la comptabilité soit finalisée et que le cycle d’édition soit complet (tirage, distribution, vente, retours d’invendus, tout le patacaisse).

Soit un total d’environ 702 EUR* sur lesquels tu devras encore t’acquitter…de l’impôt. Ben oui, cornichon, tu pensais quoi, toi ? Allez, comme je suis vraiment super serviable, je te le donne en mille : en Belgique, il est de 15%. Il te restera donc environ 595 EUR. Tu pourras peut-être faire les magasins (en période de soldes et dans un Outlet Center), mais pas encore t’acheter cette jolie cabane au Canada sur laquelle tu bigles depuis des mois…

*estimation pour sur 650 exemplaires, prix de vente de 18 EUR pièce et droits d’auteurs à 6%

Mais avant d’arriver là, il faut encore qu’on t’édite. Ce qui n’est pas du tout couru d’avance. Là encore, les chiffres ont décidé que t’en baverais à mort.

La demande, d’abord. Juste parce que j’adore faire des comparaisons débiles, sache d’entrée de jeu qu’une femme de 45 ans a plus de chances de tomber enceinte que toi de te faire éditer. Pas beaucoup, mais plus quand même. En effet, d’après les chiffres, les chances de voir son manuscrit accepté par un éditeur varient certes d’une maison à l’autre, mais pour te donner une moyenne générale, sache que tu as 98% de chances…de te faire remballer !

2% de réussite, tu l’admettras, c’est pas bien folichon…

Mais pourquoi si peu d’élus ? ben, l’offre, banane ! Ce n’est même pas qu’il y a beaucoup d’appelés, c’est qu’on ne les compte plus ! Même pas besoin d’appeler, ça vient tout seul, comme une grosse vague de nouveaux manuscrits qui déferle chaque jour, chaque mois, chaque année sur la pile à lire des éditeurs. En veux-tu en voilà, tiens, prends mon petit éditeur, je m’en vais te gaver de la prose du monde francophone jusqu’à plus soif, te submerger et te laisser pantois et pantelant, et un peu hébété aussi, juste le temps de te préparer pour la suivante. Bon, j’exagère peut-être un petit peu (et encore, juste un brin), mais la vérité est là : si les petites maisons d’édition reçoivent des centaines de livres par an (ah bon, c’est déjà censé être raisonnable, ça ?!), les plus grosses enregistrent des arrivées de l’ordre de vingt à trente manuscrit par jour !! PAR JOUR !!! Attends, je compte, vingt-cinq (une moyenne) fois cinq (jours dans la semaine) fois cinquante-deux (semaines dans l’année), gnnnnn…..ça fait….6 500 manuscrits par an !

Eh oui, selon les études effectuées, Gallimard recevrait près de 6 000 manuscrits par an, le Seuil dans les 5 000, Robert Laffont et Fayard, 4 000, tandis que Grasset en annoncerait un peu plus de 3 000. Ca ne te donne pas encore le vertige ? tu fais ton blasé ? attends, je m’en vais te traduire ça autrement.

Rien que pour Gallimard, si on compte une moyenne de 200 pages par manuscrit, il y a donc chaque année 1 200 000 feuilles A4 qui y débarquent, ce qui représente environ 6 tonnes de papier….soit 150 arbres abattus.  Si on ajoute maintenant le Seuil, Robert Laffont, Fayard et Grasset : 550 arbres abattus. 1 demi-hectare.  Et on n’a pas encore faire le compte de tous les autres. Tu parles d’un polar ! Ce n’est plus du serial killer, mon pote, c’est du génocide ! On fait moins le malin, du coup, hein ?

Alors bon, tu te doutes bien que les cocos, là-bas, ils vont pas se farcir la lecture complète de tout ce qui tombe dans leur escarcelle surtout que, dans le tas, y’a pas que des chef-d’oeuvres. Et c’est là que la machine se met en branle : déballage, écrémage, comité-de-lecturage, notage. Rapatap !

Tu ne respectes pas la ligne éditoriale ? tu as joué au rebelle avec les critères de présentation (format, pagination, police de caractères) mentionnés sur le site de l’éditeur ? J’ai le regret de t’annoncer que ton manuscrit n’a même pas dépassé le sas d’entrée. Ben ouais, le mec à l’entrée, au déballage, l’a déjà envoyé à la trappe, expédié illico presto dans les limbes des innombrables oeuvres non publiées.

Adios, bye bye, à la prochaine.

Ou pas.

Et si d’aventures ta prose franchissait ce premier écueil, ce seuil redouté, et passait le lourd portail de fer forgé embaumé de chèvrefeuille de l’éditeur de ton coeur (ouais, chuis romantique, et alors ? c’est interdit, peut-être ?), ce serait pour atterrir comme tant d’autres sur le bureau surchargé de l’équipe éditoriale où il n’effectuera qu’une escale de transit. Car déjà, allez, hop, en voiture Simone, il part chez des stagiaires et des lecteurs extérieurs dont l’oeil attentif et zélé va se charger de l’écrémage. Ta première page est aussi palpitante qu’un discours d’élection de Miss Brabant Flamand ? Tu maîtrises mieux le langage parlé qu’écrit (et encore, si tu pouvais, tu parlerais SMS) ? ou au contraire tu penses que logorrhée est une figure de style digne du Panthéon ? De nouveau, ton ouvrage finira avec les précédents : à la trappe.

Mais ceux qui passent, alors, c’est bon, me diras-tu ? Que nenni, petit ouistiti ! Ils doivent encore passer le crible du comité de lecture qui va les lire et les noter. On va pas tortiller, le système est plutôt basique :

  • 1 – On publie
  • 2 – Y’a des réserves
  • 3 – Merci d’avoir joué, à une prochaine fois
  • 0 – c’est le manuscrit idéal, le Graal de l’édition**

** cette note n’a jamais été décernée

Bref, autant te dire qu’avec un coût de manuscrit d’à peu près 25 EUR à l’impression (reliure comprise) et 15 EUR à l’envoi pour une cote de 49 contre 1 dans la course à l’édition, tu y réfléchis à deux fois avant de te lancer dans l’aventure !

Vu que je suis plutôt forte en maths et d’un naturel économe, je te fais le calcul en vitesse : à raison de 40 EUR par éditeur et un minimum de 10 éditeurs contactés, ça te fait 400 EUR d’investis pour tenter 2% de chances de gagner 595 EUR (l’EuroMillions, en fait, c’est pas si mal…)

A ce prix-là, tu te prépares…hors de question de rater ces minuscules 2% parce que tu as joué au con.

Donc, ton manuscrit, tu le relis, tu le retravailles et tu le peaufines jusqu’à ce qu’il soit abouti, prêt pour la présentation, et tu choisis ton éditeur avec soin.

Oui, mais…on fait comment ? Et puis, c’est vraiment bien de passer par un éditeur ? Pourquoi on tenterait pas l’auto-édition ? ou l’édition à compte d’auteur ? et puis, c’est quoi la différence ?

T’inquiètes, petit padawan, nos organisatrices en or ont tout prévu et justement, voici qu’entre en piste notre première intervenante de la journée, Laurence Ortegat, une experte dans le domaine de la relecture de manuscrits, de l’accompagnement à l’écriture et du conseil à la publication.

Et ses conseils, elle n’en est pas chiche, pour notre plus grand bonheur et bénéfice !

Reste connecté, je te livre tout dès demain dans la seconde partie de cette Journée en Or : La Clé(A) du Succès

Au fait, maintenant que j’y pense, tu as remarqué qu’on a commencé le compte à rebours…J-8 avant le résultat du Prix Fintro Ecritures Noires ! Le suspense monte en flèche et devient insupportable !!!

 

8 commentaires sur “Un Univers Impitoya-aable !

    1. Merciiii ! ici, je croise les doigts, les doigts de pied (les miens et ceux de toute la famille), les coussinets des chats…et tout ce que je trouve à croiser 😉

  1. Quel binz pour se faire lire par les 650 lecteurs de la première édition ! Et à condition que la première édition soit épuisée encore ! Un blog c’est tout de même plus cool, non ? 😋 Toutefois je te souhaite une belle réussite dans cette entreprise périlleuse ! Je croise… les yeux 👀 pour toi et je me tiendrai au courant en venant te lire ! 🤓

    1. Et encore, tu n’as pas tout lu…j’arrive avec les prochaines parties de cette journée. Je peux te dire que j’ai appris de ces trucs sur ce que les auteurs sont prêts à accepter pour se faire éditer, c’était édifiant ! Celà dit, il est certain que me faire éditer (par un vrai éditeur) est mon rêve depuis que je suis gamine, donc je prendrai avec plaisir tout ce que tu croiseras pour moi 😉

  2. Tu es terrible Aramicia ! Mais tout ce que tu nous dis est de source sûre, connu de tous ! À part quelques petits naïfs (comme je l’étais il y a quelques années) qui s’imaginent que le monde de l’édition est un long fleuve tranquille, où il suffit de poser sa barque, et de se laisser porter par le courant… Merci quand même pour ces quelques « belles » vérités, qui ajoutent un peu de sel sur la soupe de ma dépression, qui mijote à feu doux. Amicaux bisous : P. J.Biord.

    1. Ah mais faut pas déprimer, Philippe ! Surtout que je n’ai pas fini avec cette journée en or et qu’il y a encore quelques petites perles qui vont encore débarquer 🙂

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