Le Miracle de la Femme

Cela fait quelques années maintenant que le Cinéma et moi sommes en désaccord profond. J’ai abandonné depuis longtemps l’abonnement que j’avais à l’UGC et je vais si souvent au Kinepolis que j’ai découvert pas plus tard qu’hier que le village Bruparck et ses restos étaient fermés. La raison ? le cinéma m’ennuie. Le cinéma « mainstream », s’entend. Celui qu’on trouve dans les salles obscures de mon plat pays. Tout droit venu de chez Tonton Sam, rayé de rouge et avec des belles étoiles blanches sur fond bleu. Et dont tous les titres s’affublent d’un chiffre, de préférence incorporé comme une marque de fabrique dans le corps du texte (et non, je ne parle pas de SE7EN), voire, pour noyer le poisson, d’un nom de franchise. Comme si les scénaristes traînaient le même scénar en longueur, comme une vieille chique collée à la semelle. Hollywood chewing-gum, here I go ! Bref, oui, vous l’aurez compris, j’en ai ma claque de toutes ces prequels, sequels, chapitres, origines, épisodes, machin-brols.

JotDCes dernières années, le must, c’est de surfer sur la vague des thèmes geek et/ou fantastiques. Ad nauseam. Entre l’équivalent vampirique du vegan disco (me suis toujours demandée si les couilles d’Edward Cullen pouvaient être utilisées comme boules à facettes dans les boîtes de nuit de poupées), son pote chippendale-garou et les resucées de zombies à poil dur, on nous a bourrés jusqu’à la gueule de super-héros en mode cascadeurs acrobatiques écervelés. Alors comprenez-moi bien. J’adore les super-héros, je surkiffe les créatures fantastiques et j’ai une passion quasi orgasmique pour les zombies…et c’est bien pour ça que ça ces empaffés d’Hollywood me foutent tellement en rogne. Alors, oui, bien sûr, il y a l’occasionnelle pépite, le petit délice qu’on savoure presque comme un fruit interdit. Kick-Ass, Star Trek (XI & XII), Juan of the Dead, Red vs Dead, pour ne citer qu’eux. Mais avouez quand même qu’à part ces cas isolés, c’est la foire à la mélasse, l’indigestion à la bouillie pré-mâchée, pré-digérée, et pré-chiée. Iron Man, Thor, Bidule, Machin, Truc, Avengers, Man of Steel, BvS, Suicide Squad…jusqu’à Star Wars qui a été massacré !

CA SUFFIT !!!

wonder-woman-steve-trevor-1000910Et puis…enfin…il y eut La Femme. Wonder Woman. Après plus d’une décennie de traversée du désert. Je n’y croyais plus, je ne l’attendais plus. J’avais depuis longtemps abandonné l’espoir de voir ce jour arriver. Un film de super-héros avec une histoire ! Un message authentique, universel et d’actualité adapté pour et convoyé par un univers fictif. Un super-héros au centre d’une histoire humaine, en perspective extérieure sur les dysfonctionnements et les incohérences de notre système, dépassé, désorienté et dépité face à ce nouvel environnement qui pourtant le fera évoluer et grandir. Et pourtant…ils l’ont fait ! Un scénar, un vrai, servi avec brio par un duo de mecs avec des cojones grosses comme ça. Une histoire qui tient la route sur la longueur, sans ventre mou, et des personnages qu’on prend le temps de nous présenter et qui se découvrent au fur et à mesure du film. Jusqu’aux rôles secondaires qui se taillent la part belle, tout y est. ON y est ! Et on y croit ! On revient enfin aux bases, trop longtemps considérées à tort comme basiques : Joie. Tristesse. Amour. Peur. Colère. Dégoût. Surprise. Horreur. C’est juste, sans surjeu, ça utilise des codes connus et éprouvés, ça fait appel à une symbolique forte (la traversée du No Man’s Land en ode à La Femme est un moment d’une intensité qui m’a faite vibrer de la tête aux pieds), l’humour y est présent, certes, mais en filigrane, en support d’un message, d’une critique de société, très sérieux celui-là. On rit, on s’émeut, on s’attendrit. Il y a de l’aventure, de la tragédie, de la romance, du comique…et une vraie bonne dose de féminisme intelligent. Car les scénaristes ne nous vendent pas le girl power à deux balles, le contrepied stupide et facile du super-héros macho-malgré-lui-parce-qu’il-est-trop-fort-avec-ses-mucles-que-la-fille-en-détresse-se-pâme-contre-le-biceps-bronzé. Non. Son féminisme réside dans le questionnement de l’ordre établi, des codes, des rituels, des libertés et des contraintes de chaque sexe avec l’ingénuité de l’esprit libre.

WWQuant à la réalisation, elle est là aussi sans tache. Patty Jenkins (Monster) a fait un boulot qui ne laissera aucune femme indifférente. Sa Wonder Woman est une femme, une vraie, pas une bimbo dont on filme les atouts en gros plan pour faire mousser les ados en mal de masturbation. C’est donc filmé avec sobriété, sans rajouter de plan inutile sur la (magnifique) Gal Gadot. L’accent est mis sur le non-dit, les attitudes, un regard, un soupir parfois, qui brisent l’écran et mettent chacun à nu. Les scènes de combat  sont nettes et sans bavures, on peut les suivre sans finir en gerbant dans un seau avec la migraine pour quinze jours, les décors sont léchés bien comme il faut et la photographie est effectuée avec soin : qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas parce qu’on est dans un film de super-héros qu’on ne peut pas faire un miminum de poésie.

Wonder-WomanEnfin, le casting est irréprochable. J’ai beau ne pas approuver ses prises de position personnelles, Gal Gadot était le meilleur choix possible pour incarner Wonder Woman. Elle crève l’écran à chaque apparition et son jeu, dénué de toute tentative de séduction, la rend irrésistible. Même moi, je suis tombée amoureuse ! On est loin, très loin, de la gueule de poisson asphyxié de Scarlett Johansson (dont le jeu se résume à avoir l’air stupide et stupéfait quelque soit l’émotion qu’on lui demande de jouer). Wonder Woman a les yeux qui pétillent, l’affliction tout en retenue et la rage sourde et animale. Elle est libre, indépendante, fière, indomptable, naïve, fragile, séduite et brisée sans sombrer dans l’hystérie ou le drama-queen mode. Chris Pine (aaah, Cpt James T. Kirk) est un Steve Trevor convaincant et l’alchimie des deux personnages fonctionne du tonnerre. Mention ++ pour Robin Wright en impitoyable Antiope, Lucy Davis en secrétaire d’enfer, Elena Anaya en Dr Isabel Maru torturée et la brochette Saïd Taghmaoui, Ewen Bremner et Eugene Brave Rock en side-kicks comme on les aime.

Wonder Woman explose le box-office partout où elle passe, écrasant sans pitié toute la concurrence, engrangeant après 12 jours seulement plus de USD 450 Mio de recettes, preuve s’il en est que le public ne s’y trompe pas et qu’il préférera toujours une bonne histoire bien racontée à la débauche de CGI sans queue ni tête. Espérons qu’Hollywood ne dédaignera pas recevoir cette leçon d’une femme…de mon côté, elle aura réussi le miracle de me rabibocher avec un genre trop souvent galvaudé.

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